Olivia Benveniste – Février 2022

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Chaque mois, Coze invite un artiste local à réaliser la couverture du magazine. Dans le cadre des Hopl’Awards, le public est amené à voter pour sa couv’ favorite.

Pour le mois de février 2022, c’est l’artiste alsacienne Olivia Benveniste, à l’univers délicat, qui réalise la couverture.

La couv’ vue par l’artiste:

« J’ai choisi pour la couverture le dessin Fesses fleuries-bleu car il m’importe de montrer l’intimité féminine et sa sensualité d’une certaine manière : de la faire aller au-delà de la simple chair, la mettre en lien avec les éléments de la nature, avec quelque-chose de plus vaste et poétique. »

Qui es-tu ? 

Je suis Olivia, j’ai 40 ans et je dirais que je suis artiste dessinatrice, c’est compliqué de se définir en un titre, surtout quand on fait du dessin. Je ne peux pas dire que je fais de l’illustration, je fais des œuvres originales sur papier que j’expose et que je vends. Je n’illustre pas de texte, je me situe plutôt du côté du dessin artistique. Dans ma pratique on retrouve certains personnages récurrents comme dans l’illustration, on peut sinon m’identifier à ce qu’on appelle le dessin contemporain. Je pense que c’est important de mettre en avant le dessin comme un art à part entière, comme la peinture.

Une autre facette qui est très importante pour moi c’est la transmission. Je suis artiste mais depuis une quinzaine d’années j’enseigne aussi le dessin. J’ai récemment quitté Strasbourg où je vivais depuis 20 ans, j’habite aujourd’hui toujours en Alsace, à Barr où je suis plus proche de la nature. J’ai choisi d’avoir mon atelier chez moi, j’avais envie de solitude et de pouvoir travailler quand je veux, c’est aussi un test pour moi après de nombreuses années à évoluer dans des ateliers partagés ! Pour répondre à cette question je dirais aussi que j’ai des amis que j’aime et qui me sou-tiennent énormément dans ma vie et dans mon travail, c’est une véritable chance.

Enfin, l’art c’est un peu tout pour moi. Quand je ne dessine pas, ça me manque. Au fil des années, je me rends compte que j’ai un rapport assez spirituel à l’art. C’est une manière de s’élever et de toucher les gens, de parler de l’invisible. Je pratique la méditation et le yoga et l’art est aussi une façon pour moi d’être connectée à des choses profondes. Je peux parfois être très speed et en même temps j’ai ce rapport privilégié à la lenteur et au monde intérieur.

« L’ART EST AUSSI UNE FAÇON POUR MOI D’ÊTRE CONNECTÉE À DES CHOSES PROFONDES. JE PEUX PARFOIS ÊTRE TRÈS SPEED ET EN MÊME TEMPS J’AI CE RAPPORT PRIVILÉGIÉ À LA LENTEUR ET AU MONDE INTÉRIEUR. »

Quel est ton parcours ? 

À 6 ans, j’avais envie de plein de métiers mais j’ai le souvenir d’avoir dit que je voulais être dessinatrice. J’aimais beaucoup dessiner et j’ai été très encouragée par ma famille. J’ai continué le dessin dans ma jeunesse, au lycée, puis j’ai intégré une prépa à Paris. Je suis parisienne au départ, je suis arrivée à Strasbourg à mes 20 ans pour intégrer les Arts déco. C’était génial ! Pour moi, c’était un peu le pays des bisounours de l’art ! J’étais en option art et au départ le terme me faisait un peu peur, c’était assez effrayant de se dire qu’on est artiste mais en même temps je ne me voyais pas faire autre chose. J’ai eu des professeurs qui m’ont confortée dans ce choix, notamment Daniel Schlier, qui est artiste peintre. Sa pratique et son rapport à l’art m’ont convaincue. Je me suis dit grâce à lui : « si l’on peut être artiste comme ça, j’y vais » ! Il avait un côté pragmatique : on fait de l’image et on le revendique, on n’était pas seulement dans le pur concept.

Après la Hear, une fois mes études terminées, c’était assez compliqué et il y avait aussi pas mal de peur de se lancer. J’ai fait beaucoup de boulots alimentaires mais en parallèle j’ai aussi eu la chance de tout de suite exposer, enseigner et poursuivre ma pratique, et heureusement ! Ma première exposition a eu lieu aux bains municipaux de Strasbourg dans le cadre d’un festival pluridisciplinaire, j’ai aussi participé à des foires comme Art Karlsruhe et travaillé avec la galerie Bertrand Gillig.

À partir de ma trentaine, j’ai commencé à vouloir entreprendre des projets. Avec Sonia Verguet par exemple, nous avons fondé Rhénanie. L’idée était de réunir l’art et le design, de créer des événements, de travailler avec des artistes. On a pu faire de nombreux projets comme une résidence en Chine, une exposition au musée alsacien, un catalogue… C’était très enrichissant !

Aujourd’hui, Sonia poursuit le projet, de mon côté je continue d’autres choses, j’avais besoin de m’éloigner du côté administratif, des recherches de budget… Récemment j’ai aussi réalisé des films d’animation, notamment plusieurs séquences animées pour le film documentaire Mange-moi. Le travail est différent : tu fais des story-boards, tu dessines beaucoup, tu fais beaucoup de recherches. Je crois que ça a débloqué quelque chose en moi dans le dessin. Ça m’a permis de me détacher de certains apprentissages de l’école. Le fonctionnement en lui-même est aussi différent, on évolue avec d’autres personnes dans d’autres manières de fonctionner. Le travail final lui aussi est différent, notamment au niveau de sa diffusion : les supports sont différents comme le web, la télévision ou les festivals.

J’ai aussi dessiné pour un projet avec le service éducatif du centre Pompidou Paris, il s’agit d’une web série intitulée Sculptures qui présente des œuvres d’art sur l’image de la femme de manière ludique à destination des enfants et des familles. Parallèlement à ces expériences, je donnais aussi des cours. Aujourd’hui c’est la première fois depuis la fin de mes études que je n’en donne plus.

J’ai eu des élèves de 3 à 90 ans, de la crèche à l’Université Populaire. J’ai enseigné à la Hear, dans les écoles, à travers des interventions dans les musées, avec des personnes handicapées et des particuliers. Ça m’a permis de rencontrer beaucoup de personnes : des tatoueurs, des dentistes, des architectes, des personnes du domaine de la mode, des retraités passionnés, beaucoup d’amateurs de dessin et je me suis aussi beaucoup attachée à mes élèves. Dans ces cours, j’enseigne le dessin à travers des techniques académiques, j’apprends à représenter le réel avec des techniques de perspectives notamment. Tout le monde peut dessiner, c’est comme écrire, ensuite ce qui diffère c’est le sens que l’on va donner à son travail, donner un fond à ce qu’on exprime. Toutes ces expériences d’enseignement m’ont aussi finalement appris à dessiner, à réfléchir autour des questions des étudiants. Ils m’ont fait confiance et ça fait du bien. C’est aussi une communauté de personnes qui regarde mon travail, qui l’aime ou qui ne l’aime pas, mais ce sont des personnes qui m’aident à créer en me donnant des retours. Ils apportent un regard frais et honnête, un regard juste. Si j’avais été toute seule, j’aurais peut-être déprimé ou perdu les pédales. Le fait de voir des gens, de donner des cours, ça te connecte dans la vie, dans la société, dans le réel. Si je n’avais pas donné ces cours, j’aurais dessiné aussi, c’est sûr. Je n’avais pas conscience que j’avais cette nécessité de créer. Je m’en rends compte quand je ne le fais pas, j’en ai besoin.

Peux-tu nous parler de ton univers ? 

J’aime bien en parler de manière chronologique. Une de mes premières séries Aude, c’est une série de portraits de ma sœur. C’est le point de départ de mon travail, des figures humaines éthérées, avec le visage et le corps qui prennent une certaine importance. Au fil du temps, je me rends compte que la figure féminine est essentielle pour moi. À l’époque de cette première série Aude, ma sœur était un peu ma muse, il y avait quelque chose en elle qui se dégageait qui me touchait beaucoup. Quand je représente des corps ou des figures c’est parce que j’y trouve des expressions qui me touchent. Ça peut-être quelque chose de délicat, de loufoque, des défauts ou des choses authentiques qui sont finalement toute la beauté de ces figures.

Aujourd’hui, les visages que je dessine ressemblent beaucoup à mes deux sœurs, il y a là quelque chose de l’intime, de l’imperceptible. Dans mes travaux il y a aussi la figure de la nature qui est assez présente, ça peut être un arc en ciel, des pierres, de la fumée, des végétaux, des algues ou des sortes de vers. Ces formes sont venues un peu toutes seules, c’est comme les corps sans tête, ils sont venus d’un coup et aujourd’hui ils sont un peu comme des obsessions pour moi. Finalement mon travail est une retranscription de ce qui se dégage des choses ou des personnes. Tout est énergie, elle peut être dense et contenue ou alors floue, cela donne des formes incisives ou plus vaporeuses. J’aime résumer en appelant toute cette idée « une beauté ». La forme et le fond sont entièrement liés.

Quelles sont les techniques que tu utilises pour dessiner ? 

Je travaille principalement au crayon et aux pastels secs. Restreindre mes techniques, ça me permet de ne pas par-tir dans tous les sens ! Ces derniers temps, je fais beaucoup de lignes, au feutre ou au pinceau. Je n’aime pas trop les ordinateurs ou le travail numérique, mais j’avoue que c’est tout de même pratique, pour les films d’animations j’ai travaillé sur l’iPad, pour le cahier de coloriage également, ça permet de faire beaucoup de recherches très rapidement. Pour les dégradés, je travaille aux pastels et aux crayons. J’utilise beaucoup le papier, mais en ce moment je varie aussi les supports, notamment au pinceau sur du tissu, j’aime beaucoup le côté soyeux de ce matériau ! J’ai aussi fait des dessins sur céramique mais le rendu est incertain, on n’a pas trop de maîtrise là-dessus ! À l’automne dernier, j’ai dessiné des motifs sur des assises béton à la cité du Wihrel à Ostwald. Le travail sur des volumes, sur du mobilier urbain était intéressant. J’aime bien travailler sur des objets, chez Avila j’ai fait une fresque au fusain sur un mur !

Tu travailles sur quoi en ce moment ? 

De manière générale, je travaille toujours sur beaucoup de choses en même temps ! Là, je suis sur un projet de cahier de coloriage, j’ai aussi une commande pour une amie kiné, mon travail en cours sur tissu… Je me questionne aussi sur un nouveau projet d’animation et peut-être créer un court-métrage, de l’histoire aux images, j’aimerais aussi beaucoup à nouveau travailler avec les musées. Et puis, je dois travailler sur mon site internet pour vendre des tirages en ligne. J’aimerais aussi me remettre à faire de la transmission, pouvoir parler de mon travail et transmettre aux gens en même temps. Je vais aussi exposer en mai à Barr, au 66 Grand’rue, je serai l’invité d’honneur de la « rue des arts à Barr ».

« LE BIZARRE C’EST BEAU, IL Y A BEAUCOUP DE CHOSES BIZARRES QUI SONT BELLES. »

Si tu devais choisir un projet favori, ce serait lequel ? 

Ce qui est récent est toujours le plus important pour moi, parce que finalement mon travail est une évolution constante. Donc pour répondre à la question je dirais que c’est ce que je suis en train de faire en ce moment, notamment le grand format sur tissu. Il s’agit d’un grand paysage avec plein de personnages. Ça résume beaucoup de choses de mon travail. Je suis dans une période de transition, qui est assez difficile mais aussi très riche. Sur ce projet on retrouve beaucoup de morceaux de corps, de végétaux, de mouvements, finalement j’ai l’impression que j’y inclus toutes les figures de mon travail. Tous ces personnages communiquent, échangent, se font des câlins, s’encouragent, avancent.

Pour en savoir plus sur le travail d’Olivia Benveniste

 



Les Hopl’Awards c’est la cérémonie de récompense culturelle alsacienne. Ses missions : cerner les tendances culturelles et artistiques de l’année écoulée, récompenser les acteurs culturels de la scène régionale et déceler les révélations de demain.

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